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 PUBLICATION AUTOMNE 2025

       L'ÉCRITURE EST UN EXIL

Le livre

Ce texte est un chant, un manifeste, une danse, une méditation sur l’évidence d’écrire depuis l’horizon des désirs, des corps, des âmes, des mots, des récits. Naître femme, lectrice, autrice, éditrice et déjouer résolument le rétrécissement continu et mortifère de l’espace vital dévolu à la part féminine du monde : voilà un engagement qui, par delà les différences et les points de vue, nous concerne toutes. Et tous.

112 pages, 125 x 190 mm

Récit

Époque: XX ET XXIème siècle

ISBN: 9782959380730

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L’autrice Rachel Deghati naît en août 1968 et passe son enfance en France et son adolescence à Bruxelles. À 14 ans, elle écrit son premier roman, suivi de nouvelles, poésies et récits. Elle revient à Paris à 18 ans pour ses études en hypokhâgne, à l’Inalco et à la Sorbonne. Elle rencontre le photographe Reza en 1989, avec lequel elle fonde l’agence d’images et de mots Webistan autour des photographies de Reza et s’attache, depuis, à un devoir de partage et de transmission de cette mémoire visuelle. Ils sont tous les deux à l’origine de nombreuses expositions en France et à l’étranger, de reportages photographiques, et de documentaires pour des productions françaises et étrangères. Ils sont coauteurs de nombreux livres. En 2001, ils fondent l’association Aina, en Afghanistan, qui formera près de mille Afghanes et Afghans aux métiers des médias et de la culture. En 2014, ils fondent l’association Les Ateliers Reza qui forme les jeunes des banlieues des mégapoles du monde et des camps de réfugiés au langage de l’image. En 2016, Rachel Deghati débute sa trilogie Le Débâtissement du monde, dont Une part d’ombre, paru en 2022, est le premier tome. Le deuxième tome Débordements et le troisième Une aube fragile sont en cours d’écriture. Outre l’écriture et la direction éditoriale de l’agence Webistan dont elle coordonne toutes les activités, expositions, colloques, conférences, livres, documentaires, stages, Rachel Deghati est également coconceptrice de plusieurs expositions en collaboration avec le centre d’art la Maison Laurentine. Fin décembre 2023, Rachel Deghati fonde sa maison d’édition, Sama.

Extraits

extrait 1

Odyssée

"(...) Un de mes premiers véritables souvenirs — ceux qui n’appartiennent pas au monde des images floues, ou des impressions fugaces que l’on s’approprie après en avoir entendu le récit ou que l’on a vues et revues dans l’album photos familial, met en scène le livre au centre d’un tout.    

J’ai quatre ans, peut-être cinq. Le plus jeune de mes grands frères, de deux ans mon aîné, commence à déchiffrer les lettres apprises à l’école. Il touche du bout des doigts un univers qui m’est encore inaccessible. Pour cela aussi, je l’admire. Et pourtant, au cours d’un rituel répété chaque soir, qui suit le nombre de doubles pages d’un livre magique, il redevient celui qui a perdu la clé des lettres, des mots, des phrases, des récits. 

Chaque soir, après le bain, le dîner, les dents lavées, alors que nous sommes en pyjama, que l’heure du coucher se rapproche, nous nous installons sur le lit de nos parents, dos calés sur les gros coussins, nous attendons, avec impatience. Nous forçons l’image exemplaire des enfants sages, nous reportons nos chamailleries pour ne pas risquer d’être punis de cette lecture-là. 

Alors, maman arrive avec le livre de tous les mystères. C’est le seul qu’elle cache soigneusement, afin de nous contraindre à respecter le rituel. Elle prend le temps de s’installer confortablement entre nous deux. Doucement, elle ouvre la page marquée la veille. Le contenu de ce livre est très différent des belles histoires que maman nous raconte habituellement. Livre de dessins et de textes, il dévoile aux enfants comment l’amour vient aux vivants, (...)

 

extrait 2

Le poète persan

"(...) Chez lui, quelques éléments réchauffaient une atmosphère très new-yorkaise des années 80. Un arbre dans un grand pot aux branches dressées vers le ciel, attirées par la lumière, une petite jardinière dans laquelle je pris soin de planter une pousse de menthe apportée de ma petite terrasse perchée, en guise de cadeau, à ma première visite, des livres rangés dans une bibliothèque. Et surtout, je découvris un tapis persan posé sur la partie surélevée de l’espace. Ses couleurs rougeoyantes tranchaient avec le blanc immaculé des larges carreaux. Nous avons passé de longues heures sur ce tapis qui devint notre nef. C’est en cet endroit que Reza m’invita à une première escale, celle de la poésie. Il instaura une sorte de rituel, renouvelé à chaque retour de ses reportages dans des zones de conflit.
Il saisissait un livre de poésie et commençait à en lire les vers. Je m’attachais alors à la musique d’une langue que je ne comprenais pas, le persan. J’essayais d’en deviner le sens porté par la chaleur et la douceur de sa voix. À la fin de chaque poème lu de Saadi, de Hafez, de Rûmî ou d’Attar, il tentait de trouver les justes mots pour me donner la plus fidèle des traductions, non pas littérale, mais la plus proche de la pensée. 

J’ai d’abord été invitée à voyager dans cette langue et dans cette culture par la mélodie de sa poésie. J’appris pêle-mêle que son pays d’origine, sous le joug des mollahs et des gardiens de la Révolution, lui était interdit. J’appris que la poésie pour son peuple est un souffle constant, que des poèmes sont lus sur les tombes, partout dans les cimetières, comme un indéfectible lien entre les morts et les vivants et que le poète Hafez est interrogé au printemps dans les maisons sur ce que l’année nouvelle réserve à chacun et chacune. (...)

extrait 3

L’épistolaire : la tentative empêchée

(...)L’épistolaire est une adresse à l’autre, il implique une confiance souveraine. Les empêchements répétés dont j’ai conservé, à travers les décennies, les nombreuses traces dans un coffre cadenassé indiquent peut-être une forme d’intranquillité au cœur de l’espace de loyauté que j’imaginais pouvoir initier par ce lien.
Certains jours, prise d’une rêverie confuse, j’imagine une révolution, celle de l’émancipation des lettres. Chacune d’entre elles viendrait interroger celle que je fus, celle que je suis devenue, sur leurs existences contrariées. Ensemble, nous tenterions de trouver d’autres horizons. Les destinataires vivants seraient sollicités. Quant aux morts, nous inventerions d’autres récits. Et si nous nous retrouvions ensemble, face au mur du silence et de l’absence, alors certaines réclameraient que j’ouvre une brèche dans les pierres tombales, une fente nette, pour les y glisser. Celles-ci, tombant sur le dessus en bois humide du cercueil, passeraient de l’obscurité du tiroir de ma chambre d’adolescente au coffre fermé de ma vie d’adulte, pour se trouver et se perdre dans le noir d’un tombeau. 

Je crois avoir entendu dans mon rêve éveillé l’une d’entre elles me demander, pour réparation, de me mettre à genoux avec une tenue élégante sans éviter ni craindre de l’abîmer, de creuser avec mes mains la terre au pied d’un caveau. Elle a précisé que le trou devrait être assez profond, suffisamment pour que mes ongles soient noirs, mes mains sales et que certaines de mes phalanges soient ensanglantées.(...)

L'autrice

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